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La « Passacaille » de Frank Martin : de l’orgue à l’orchestre (et vice-versa)
Abstract
The paper testifies author’s conversations with Frank Martin in occasion of the Passacaille’s performance on the famous organ Müller in Haarlem in July 6th 1964. Martin’s autograph annotations on organ score used by Bovet are published and the orchestral versions (1952 and 1962) are compared with the original music for organ (1944).
L’articolo testimonia i colloqui che l’autore ha avuto con Frank Martin in occasione dell’esecuzione della Passacaille avvenuta il 6 luglio 1964 sul celebre organo Müller di Haarlem. Sono pubblicate le annotazioni autografe di Martin sulla partitura utilizzata in quell’occasione e sono poi messe a confronto le due versioni orchestrali (1952 e 1962) con l’originale per organo (1944).
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Le 6 juillet 1964 (j’avais 22 ans), je jouai la Passacaille de Frank Martin sur le célèbre orgue Christian Muller de Saint-Bavon à Haarlem aux Pays-Bas (1738), en présence du compositeur, avec qui ce fut ma première rencontre. Nous nous sommes revus ensuite plusieurs fois à Genève ou en Hollande, soit à l’occasion d’exécutions de ses œuvres, soit pour des conversations sur la composition que je ne puis pas vraiment appeler des leçons, car Martin n’a jamais vraiment ‘corrigé’ des travaux que je lui aurais soumis. De ces entretiens, je me souviens de considérations sur un usage tonal de séries dodécaphoniques, et de nombreux conseils (parmi lesquels la phrase typique « arrêtez-vous tout de suite quand les choses vont trop bien et que vous avez l’impression d’être inspiré », phrase dans laquelle plusieurs de mes collègues et amis ont voulu déceler le soi-disant ‘calvinisme’ de Frank Martin. En réalité, il n’y avait rien de froid dans Martin le musicien, et j’ai toujours été impressionné par la passion qu’il montrait lorsqu’il chantait des passages de ses œuvres, par exemple justement de sa Passacaille. L’exécution de la Passacaille à Haarlem posait plusieurs problèmes intéressants liés au style de l’instrument. La difficulté la plus immédiate était l’étendue des claviers, qui malgré la restauration ‘modernisante’ de Marcussen (1961), ne suffisait pas à l’écriture de Martin, qui monte jusqu’au Sol. Musicalement (et notamment au niveau de la sonorité), cette difficulté se transformait plutôt en un avantage, forçant l’interprète à jouer de nombreux passages une octave plus bas, et évitant ainsi un effet trop aigu des mixtures. En effet, j’ai constaté que Martin, comme la plupart des compositeurs non-organistes, pensait à l’orgue comme à un grand orchestre à clavier, et que pour lui, l’instrument idéal aurait été un orgue puissant n’ayant que des jeux de 8’ et de 16’.[1] J’imagine qu’il a dû être très déçu en entendant la première exécution (par Kurt Wolfgang Senn, qui lui commanda l’œuvre, terminée en 1944) sur l’orgue du Münster de Berne, un instrument néo-classique assez faible et pâle à l’époque, placé de plus à un endroit acoustiquement peu favorable. Les souvenirs que je garde de K.W. Senn comme interprète (l’homme était charmant et généreux, ne cessant de faire des commandes à des compositeurs de l’époque) ne me laissent pas non plus supposer qu’il ait compensé les déficiences de l’instrument par une imagination et un tempérament débordants. C’est sans doute par ce qu’il n’avait jamais entendu une exécution satisfaisante à l’orgue que Martin fit de cette Passacaille deux versions orchestrales, l’une en 1952 pour orchestre à cordes, l’autre pour grand orchestre, établie en 1962, deux ans avant notre rencontre. Après le concert de Haarlem, Frank Martin m’invita dans un restaurant proche pour parler de l’œuvre. Anton Heiller[2] et Piet Kee[3] se joignirent à nous.[4] C’est alors que nous nous rendîmes compte que Martin se référait constamment à la version pour grand orchestre lorsqu’il parlait de sonorité et de couleur (donc, pour nous les organistes, de registration). Il est vrai qu’il l’avait terminée récemment et qu’elle était donc très présente à son esprit. La partition d’orchestre étant difficile à trouver[5] (la version pour cordes seules est par contre en vente chez Universal), il vaudra la peine de faire un plan de l’orchestration: on le trouvera à la fin de cet article. L’analyse de cette orchestration montre qu’elle est moins linéaire que la version d’orgue (selon les nuances et les quelques indications de claviers qu’elle contient). Les indications de cette version sont somme toute assez organistiques : un premier crescendo jusqu’au forte relatif de la variation 5, réduit à la variation 6 par l’effet de changement de claviers, puis reprise pianissimo et crescendo continu depuis la variation 7 jusqu’à la variation 26, et enfin la coda douce des deux dernières variations. Il faut un orgue immense pour soutenir et nourrir un crescendo aussi long, raison pour laquelle la pratique recommande de faire un nouveau départ piano à la variation 17 (canon en si mineur), ce qui permet de renouveler l’intérêt. La version d’orchestre est plus riche en nuances, et comporte notamment plusieurs decrescendi en cours de route. Par contre, les quelques soli de bois de l’orchestration sont assez faciles à imiter à l’orgue, et le compositeur lui-même les confie plusieurs fois à un clavier séparé de solo. En ce qui concerne le style de l’orchestration, il est d’école plutôt allemande, avec de constantes doublures d’une même ligne par différentes familles d’instruments, et de constants mélanges des groupes instrumentaux, qui ne s’opposent presque jamais. Ceci suppose, surtout de la part des souffleurs, des instruments et des instrumentistes plus orchestraux que solistiques, ce qui est bien plus souvent le cas dans les orchestres germaniques que dans les orchestres latins. On pourrait dire la même chose de l’orgue idéal pour jouer cette Passacaille : ses jeux d’anches et mixtures doivent se mélanger avec les fonds sans s’en détacher, et les jeux d’anches de solo doivent pouvoir se transformer en jeux d’accompagnement. Ainsi, il sera probablement plus facile de jouer avec succès la Passacaille de Frank Martin sur un orgue de type romantique allemand que sur un instrument d’esthétique française. Voici donc la description pas à pas de l’orchestration. Nous y avons ajouté des équivalences simples pour un orgue de trois claviers et quelques remarques provenant de la conversation de Haarlem.
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